Il y a vingt ans…
Ce matin-là, comme à mon habitude, je prends un petit noir au café en face du salon où je travaille. Une nouvelle serveuse m’interpelle et me demande avec un grand sourire si je travaille chez le coiffeur en face… Je lui réponds « oui » et là, très excitée, elle me demande quelle coiffure je verrais pour elle… Sans me laisser le temps de répondre, elle déverse un flot de qualificatifs négatifs sur ces « maudits coiffeurs » et sur ses déboires capillaires passés : « catastrophiques… toujours trop courts… tous les mêmes, comprennent jamais rien ».
Sans hésiter, je lui rétorque : « c’est d’un psy dont vous avez besoin alors, pas d’un coiffeur ! » Le visage crispé, elle tourne les talons en marmonnant : « Incroyable ! Tous les mêmes, ces coiffeurs ! »
Je règle mon café au comptoir et j’aperçois ladite serveuse comploter avec sa collègue qui me dévisageait déjà… Ce matin-là, j’ai regagné le boulot certain d’avoir mis en place la pire campagne de pub de ma carrière, et vexé surtout d’avoir été classé dans le même panier que ses « maudits coiffeurs ».
Dix ans plus tard…
Je saute dans le TGV, direction le sud de la France, pour un séminaire d’éducation. À côté de moi s’installe une femme, la cinquantaine, les bras chargés de dossiers. Manifestement elle aussi a attrapé le train de justesse. Elle finit par s’asseoir et entame vite la conversation…
« Vous descendez pour le travail vous aussi ? Vous êtes dans quoi ?
– Je suis coiffeur.
– Ah oui ? Oh là là ! Les coiffeurs… j’ai toujours des problèmes avec eux… Je ne sors JAMAIS contente. »
Les hostilités étaient donc engagées…
« Comment ? Il vous est sûrement déjà arrivé d’être bien coiffée au moins une fois dans votre vie…
– Ah oui ! UNE fois ! Il y a longtemps…
– Comment étiez-vous coiffée alors ?
Elle me montre avec ses mains de façon explicite :
– Mi-long, comme ça, avec du volume là… »
Après l’avoir laissé parler et me montrer, je reprends : « Je parie qu’il y avait du volume dessus, pas trop sur les côtés… (je décrivais le contraire de ce que je voyais sur elle)
– Bravo ! Comment le savez-vous ?
– C’est de la magie…
– Où travaillez-vous ? »
Je lui tends ma carte de visite en lui promettant qu’elle sera particulièrement « chouchoutée ». En sortant du train, elle me salue et m’informe qu’elle a déjà booké son rendez-vous avec moi au salon.
Entre ces deux histoires, où il n’est question que de communication, j’ai eu le temps de comprendre que la « mécommunication » l’emportait toujours sur l’oeuvre. Il est indispensable de perfectionner sa communication en priorité, pour faire la différence, parce qu’au départ ce que le client achète, c’est nous… avant notre œuvre !
Stéphane Amaru
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