Elle est la grande gagnante du trophée Best Men Winner des AIPP Awards (remis par l’association AIPP qui réunit les meilleurs magazines professionnels du monde) en 2022. Compétitrice dans l’âme, elle a aussi remporté le premier prix de la meilleure création d’entreprise remis par la chambre des métiers de Grenoble pour son salon éponyme à Saint-Marcellin, fondé en 2008. Elle est aussi la grande gagnante du Trend Vision de Wella en 2018. Mais Christine Alves est avant tout une patronne comme les autres.
Comprendre que, comme la plupart des salons, elle connait aujourd’hui des difficultés à trouver de nouveaux collaborateurs ! L’entrepreneuse a fait un choix stratégique. « Nouveaux horaires d’ouverture (en attendant de trouver de nouveaux collaborateurs) » annonçait-elle récemment sur son compte Facebook. A Saint-Marcellin, son salon est désormais ouvert du mardi au vendredi de 9h à 19h puis le samedi de 8h à 17h.
Mais pourquoi ce choix ? « Avant le Covid, il y avait déjà moins de CV. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer le phénomène ! Entre ceux qui ont eu envie de changer de métier et ceux qui choisissent de se lancer à domicile, les candidats se font très rares » explique celle qui a même vu ses salariées démissionner tour à tour. « Nous étions 7. Nous ne sommes plus que trois. Un coiffeur junior, un BP et moi-même. Pour compenser le manque de collaborateurs, je fais des semaines à 50 heures… Sans compter les heures consacrées à l’administratif » nous explique Christine Alves. « Finalement, j’ai décidé de modifier les horaires pour pouvoir cumuler mes passions – la formation et l’artistique – et la vie de salon. »
Mais était-ce un dernier recours ? « Nous avons tout mis en place pour trouver des candidats. D’abord avec Pole Emploi dès février 2022 puis avec Allure Recrutement, une agence dédiée aux professionnels de la beauté. Ces derniers cherchent pour moi au minimum deux personnes. Et ils se démènent ! Dans ma région, hélas, il n’y a pas de coiffeurs disponibles. Mon espoir est de faire venir quelqu’un d’une autre région… » souligne l’entrepreneuse.
Et des apprentis ? « Hélas, je ne peux pas prendre de CAP à l’heure actuelle. Je dois faire du chiffre d’affaires pour compenser la hausse des prix et de l’énergie. Pas question de les décourager parce que je n’ai pas de temps à leur consacrer. Du coup, quand j’ai des CV d’apprentis, je les partage au groupe Community » poursuit-elle. Mais pourquoi avoir choisi la carte de la transparence quand elle a annoncé ses nouveaux horaires à ses clients ? « C’est important que les clients comprennent le motif de mes nouveaux horaires ! Pas question qu’ils pensent qu’on veut moins travailler. Ce que disent les médias sur le manque cruel de coiffeurs est vrai. »
Toutefois, Christine Alves garde espoir. « Je suis contact avec une personne de Marseille qui pourrait aménager dans la région et venir travailler avec nous. Un Breton aussi s’est proposé… Je cherche des passionnés qui aiment les gens et leur métier. »
Depuis la mise en place de ses nouveaux horaires, se sent-elle plus libre ? « Oui, j’ai gagné du temps pour mes autres projets qui me tiennent à cœur. La transmission, la formation… Cela se précise ! Je travaille depuis deux ans avec Thierry Tixier pour devenir une bonne formatrice. J’organise des formations pour Wella, et je prépare aussi des formations « homme ». Les distinctions que j’ai reçues m’ont ouvert cette voie. Je suis interpellée par des coiffeurs qui apprécient ma vision féminine sur la coiffure masculine. Je développe de la technique. Mon but est d’inventer des méthodes pour embellir l’homme comme on le fait pour la femme. »
Finalement, sa vision de l’avenir ne s’approche-t-elle pas de celle de Stéphane Amaru qui envisage le futur au salon hybride ? « En effet, j’aimerais allier les deux dans mon salon. Le début de semaine dédié à la formation puis la clientèle pour la fin de semaine. Cela me permettrait aussi de me préserver physiquement car ce n’est un secret pour personne, le métier est usant ! Beaucoup de coiffeurs veulent se former mais pas forcément se rendre à Paris. Cela engendre des frais supplémentaires de transport mais aussi d’hôtel. Ainsi, les coiffeurs à proximité de mon salon pourraient venir suivre leur formation chez moi » explique Christine Alves.
Malgré les difficultés, l’entrepreneuse garde l’énergie positive qui la caractérise. « Je veux œuvrer pour la revalorisation de ce beau métier. Trop longtemps, les apprentis et les jeunes ont été épuisés par le rythme effréné des franchises et des gros salons. Il faut aujourd’hui valoriser nos formations et nos tarifs. La coiffure est un métier merveilleux, qui ouvre de nombreuses portes. On peut évoluer, devenir manager, créer sa marque de produits, coiffer au théâtre ou au cinéma… Les possibilités sont multiples. En salon, nous devons maitriser savoir, savoir-faire et savoir-être. Nous adapter à chaque client. Dans le salon, nous sommes comme des acteurs sur les planches. Le client est là pour passer un bon moment, se trouver dans une bulle de bien-être » rappelle-t-elle avant de donner une anecdote qui illustre à merveille sa joie de vivre. « Le 31 décembre, les clientes semblaient déprimées. J’ai décidé d’offrir le champagne toute la journée. Cela a donné une bonne énergie dans le salon. » Pour conclure, elle invite à l’union. « Nous devons avancer ensemble, avec optimisme. Il faut s’adapter et trouver des solutions ensemble. Et surtout revaloriser nos tarifs. Nous devenons rares. C’est le bon moment pour augmenter nos prix et faire payer au juste prix notre savoir-faire. »