A l’heure où la mode surfe sur le gender fluid et la non-binarité en proposant des marques et des collections mixtes, proposer un tarif dame et un tarif homme peut paraître d’une autre époque. C’est en tout cas ce qu’affirme Nicolas Das Neves Pinto, 27 ans, patron du premier salon inclusif en Bretagne. Situé à Tréguier, ce jeune entrepreneur a laissé murir son concept quelques années avant de le concrétiser début février 2022.
« Quand j’ai commencé la coiffure, il y a 9 ans, je trouvais qu’on catégorisait trop. Pourquoi vouloir toujours mettre les gens dans des cases ? Je n’ai jamais compris ! Je coiffe des cheveux, pas des genres ! » explique celui qui a racheté le salon où il était manager il y a 4 ans avant de lui donner une nouvelle identité cette année. « Pourquoi une femme doit toujours payer plus cher comme c’est écrit dans la société ? Je trouve cela injuste ! »
Pour lutter contre cette injustice, le jeune Breton a donc décidé d’appliquer dans son salon fraichement relooké à son image une tarification unique, peu importe le genre.
« Le tarif s’applique à la longueur. C’est 22 euros pour une coupe courte avec séchage naturel. 27 euros avec brushing. Puis 27 et 33 euros pour des coupes mi-longues. Et 33 et 36 euros pour les cheveux longs. Quel que soit le client ! Une femme qui a les cheveux courts n’a pas à payer plus cher qu’un homme aux cheveux courts. Et inversement ! » précise l’entrepreneur bien ancré dans son époque.
Mais comment a réagi sa clientèle ?
« L’idée a été plutôt bien accueillie. Avec la crise du Covid et la guerre en Ukraine, tous les prix augmentent. Finalement, chez moi, les clients ont l’impression de payer le prix juste. Ils apprécient cette transparence » rapporte-t-il. Et même, contrairement à ce que l’on pourrait penser, son chiffre d’affaires augmente. « Pour plusieurs raisons. Déjà parce que quand ma cliente paie moins chère sa coupe courte, elle se fait plaisir en s’offrant un soin ou une prestation annexe qui fait grossir le panier moyen. Mais aussi parce que mon salon, inclusif, a fait parlé de lui, dans la presse notamment. Avec le bouche à oreille, nous sommes complets ! »
Mais avait-il éduqué sa clientèle avant de sauter le cap ?
L’avait-il préparée à ce changement de tarification ? « Oui, bien sûr. Je suis militant pour la cause LGBT mais aussi la cause des femmes. Je n’ai jamais caché mon homosexualité. Je m’exprime. Il m’est même déjà arrivé de virer un client qui avait fait une remarque sur le physique de l’une de mes salariées. Je préfère ne pas avoir de client que d’accepter un client intolérant » précise-t-il. Résultat ? Aujourd’hui, il attire une clientèle hétéroclite. « Nous avons à peu près 50 % d’homme et de femme. Nos clients ont pour la moitié entre 16 et 30 ans. L’autre moitié entre 35 et 60 ans. Et nous avons aussi des transgenres. Nous touchons beaucoup de monde finalement. »
Plus rien n’arrête le jeune patron.
« Aujourd’hui, nous sommes 5 dans le salon. J’espère ouvrir un jour un second salon. Pouvoir me développer. Mais pour cela, il faut que mon équipe soit stable. » Comme beaucoup de patrons, il déplore le manque de candidats. « Nous sommes obligés de refuser du monde par manque de personnel. Trop longtemps, la profession n’a pas été valorisée. Les salaires étaient trop bas, les conditions de travail difficiles. »
Et quelles solutions envisage-t-il alors pour redonner envie aux jeunes de s’orienter vers la coiffure.
« Revaloriser les salaires, bien sûr. Mais pas seulement ! Aujourd’hui, le temps libre est plus important que le temps de travail. Il faut alors aménager les plannings selon les désirs de chacun. Chez moi, nous faisons 35 heures en 4 jours. Il faut offrir la possibilité à ce qui le souhaitent d’avoir leur week-end. Une partie des vacances scolaires pour ceux qui ont des enfants. Les jeunes se détournent de la coiffure parce qu’ils ne se sentent pas considérés par leur employeur » explique celui qui côtoient les futurs coiffeurs en tant que correcteur d’examen. Pour conclure, le Breton préconise une approche bienveillante. « Il faut être davantage dans le dialogue. Moins imposer des choses à ses salariés. »