Réduire les coûts pour casser les prix… Le low cost, qui propose aux clients de consommer « malin », a investi tous les domaines. Le discount serait-il l’avenir de l’économie et de la coiffure ? Décryptage.
Voilà plusieurs décennies que le fossé entre les classes sociales se creuse. Quand une poignée de privilégiés profitent de l’hyperluxe, le discount, quant à lui, gagne sans cesse du terrain. Aérien, hôtellerie, beauté, téléphonie, alimentaire, coiffure… Le low cost est omniprésent. Mais est-ce une conséquence directe de la crise ? Certes, le contexte économique lui a été favorable.
Pourtant, le low cost, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est né bien avant, dans les années 1970, quand la compagnie aérienne Southwest Airlines innove en proposant des vols à prix réduits. Le succès est immédiat. Si bien qu’il séduit la majorité des consommateurs, des plus démunis aux plus aisés.
Un modèle qui s’est logiquement imposé
La stratégie des low-costers ? Réduire la prestation pour se concentrer sur l’essentiel du produit ou du service. Et le secret est bien là : il y a un deal avec le client. Ce dernier accepte de faire une partie du travail ou de se contenter de packagings sommaires. Par ses tarifs plus bas, le low cost est devenu un véritable levier pour le pouvoir d’achat des consommateurs. Face à un tel engouement, le modèle s’est logiquement étendu à la coiffure. Techniques de coupes plus rapides, accueil simplifié, coupe sur cheveux secs ou participation de la cliente, toutes les méthodes sont bonnes pour réduire la facture et, par conséquent, fidéliser la clientèle.
Parmi les précurseurs, citons Tchip, Generik ou Serge Comtesse. Plus récemment, en 2010, Nicolas et Patrick Langer lancent un concept, Beauty Bubble, pour « répondre aux clients pressés sur leur trajet quotidien et toucher un maximum de consommateurs », explique Nicolas Langer. Les bulles de 10 m2 sont ouvertes dans les gares ou les aéroports. Le client, qui s’est lavé les cheveux chez lui, vient avant ou après le travail. « On se consacre au bon coup de ciseaux. En dix minutes, la cliente a sa coupebrushing. » Enfin, avec Self Coiff, Serge Comtesse propose un service à la carte. La cliente peut réaliser elle-même son brushing pour payer moins cher.
La coiffure pour tous
Parmi les gloires du low cost, Tchip fait figure de précurseur (voir interview de Franck François). Pas étonnant que l’idée germe dans la tête des plus jeunes. Parmi la nouvelle garde, Aida M’Dalla est à la tête du groupe Allure. Après une formation classique, cette femme d’affaires ouvre son premier salon à 23 ans, à Dijon, avec un leitmotiv : « la coiffure pour tous ». Aujourd’hui, elle détient 35 salons en succursales et sa propre marque de produits. Son secret ? « J’ai créé une méthodologie de coupe pour réduire le temps de prestation. » Grâce à cette technique, ses coiffeurs peuvent recevoir plus de clientes dans la journée, le temps d’exécution est réduit et les prix baissent ! 13 € la coupe pour les hommes, 16 € pour les femmes.
Des solutions pour répondre aux besoins des clients
Et si les low-costers ont parfois été accusés de négliger la qualité au profit de la quantité, nos experts sont unanimes. Un client qui n’est pas satisfait ne revient pas ! Franck François peut s’enorgueillir de 5,5 visites annuelles chez Tchip contre 4,8 en moyenne. Bruno Mocher pour Generik se félicite de voir des clients fidèles depuis le lancement de sa marque en 2004.
Enfin, l’outsider Aida M’Dalla affiche quant à elle une croissance de 10 à 20 % par an. Dans ce marché concurrentiel, Michel Dervyn vient de lancer son concept, Fifty, où la cliente paie avant. Pas de surprise sur la facture ! La coupe est réalisée sur cheveux secs. Enfin, Hair’ Minute propose des tarifs très attractifs en contrepartie d’un abonnement mensuel. La femme active peut s’y rendre sans rendez-vous. Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces prix attractifs séduisent toutes les bourses, des plus aisées aux plus démunies.
Vers le «smart cost» ?
Jean-Paul Tréguer est formel. Le low cost est un modèle économique vertueux qui a de l’avenir devant lui. Dans son livre, il répertorie les entreprises à prix cassés qui « cartonnent », dans le respect de la qualité et des lois sociales. Selon lui, les consommateurs, qui, depuis 2008, viennent par nécessité, ayant vu leur niveau de vie baisser, ne feront pas marche arrière, même dans un contexte économique plus prospère. « Le client s’est rendu compte qu’il peut se passer du superflu et des options. »
Avec la prolifération d’offres discount, le consommateur devient de plus en plus exigeant. D’où l’évolution vers le « smart cost », un service de qualité à juste prix. « La règle de la concurrence reste la même que dans tous les modèles économiques : les meilleurs grandiront et les mauvais seront peu à peu éliminés. » N’a-t-on pas vu des salons de coiffure aux pratiques plus que discutables mettre la clé sous la porte ces dix dernières années ?
L’avis d’ ISMÉRIE
Il y a apparemment une demande importante et croissante pour le low-cost. La crise a creusé un fossé dans les manières de consommer. Je ne pense pas qu’il faille tirer notre façon de consommer vers le bas, mais au contraire réapprendre aux gens à prendre le temps et à apprécier la qualité d’une prestation avec conseil, café, massage au bac… Et ces choses-là, ça se paie !