Le portrait : Marisol Suarez « tout est changement, tout est mouvement »

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La demi-mesure ? Très peu pour cette artiste curieuse et insatiable ! Depuis trente ans, Marisol impose ses codes et son style, avec une vision très artisanale de la coiffure.

Devient-on une coiffeuse d’envergure comme l’est Marisol Suarez par hasard ? Pas vraiment. Véritable « sculptrice capillaire » pour certains, cette entrepreneuse a toujours eu une fibre artistique développée. « J’ai grandi dans un environnement propice à la créativité. Mon père travaillait pour les Bâtiments de France, je l’accompagnais sur les chantiers, où je rencontrais toutes sortes d’artisans d’art. Mes parents étaient aussi très sensibles à la mode. Et en bons Espagnols, très festifs ! Ma mère portait des perruques », se souvient-elle avec tendresse. Appuyée par une professeure, elle s’oriente vers une seconde spécialisée arts plastiques, avec en ligne de mire, les Beaux-Arts.



Et pourtant… « J’avais un ami coiffeur. Je passais souvent le voir dans son salon, précise-t-elle. J’étais fascinée par les odeurs et les relations avec les clientes. » Peu à peu, elle propose ses services, passe le balai ou sert des cafés. À 21 ans, elle passe son CAP Coiffure. Dès lors, elle multiplie les expériences. « On me reprochait de papillonner… Du petit salon de mamie à l’adresse branchée, j’aimais découvrir de nouveaux environnements. » En parallèle de son BP, elle pénètre dans l’univers de la franchise chez Biguine. « J’étais très lente. J’ai appris à être rapide », plaisante-t-elle. Et même, elle explose tous les records ! « Meilleur chiffre d’affaires en France », elle devient manageuse. « Ce fut une expérience enrichissante qui m’a permis de comprendre ce que je ne voulais pas. »

Assistante de Jean-Marc Maniatis pendant cinq ans, elle se forme à tout-va, gravissant les échelons. En 1995, elle s’envole pour Londres, où elle se perfectionne chez Toni & Guy, suivant un parcours de formation intensive. En 1999, elle est de retour pour l’ouverture du premier salon Toni & Guy en France. « Il y avait une vraie euphorie à Paris. Nous étions au cœur de cette effervescence, pas loin du concept-store Colette. » Son talent n’échappe à personne et certainement pas à Toni Mascolo, cofondateur de la marque. Distinguée par l’Award dans la catégorie avant-garde, elle gère tout ce qui est événementiel et artistique. Puis Marisol a besoin de changement. Elle ouvre son atelier de perruques, près du canal Saint-Martin. De 2007 à 2012, elle ne voit pas le temps passer, de studios en défilés de mode. Elle crée aussi des installations pour les musées, dont le Vitra Design Museum, le musée des Arts Décoratifs ou le Centre Pompidou. « Je renouais avec l’artisanat pour lequel j’ai un profond respect. Les artisans font le patrimoine et la richesse de chaque pays. » Lauréate du Big One Trophy en 2010, elle ouvre son premier salon près de place des Vosges, en 2012. « J’étais DA pour René Furterer, je voyageais beaucoup. »

Une nouvelle opportunité s’offre à elle en 2015 quand le Bon Marché lui propose d’ouvrir le premier salon au sein du grand magasin. Pendant cinq ans, elle s’éclate. « Il y avait une exigence artistique avec une vision de la beauté et de vrais défis économiques. Passionnant ! » La Covid-19 passant par-là, elle décide de se recentrer. Consultante pour des marques de luxe, elle cultive sa philosophie, la Slow Hair Therapy, sorte d’éloge à la lenteur. « Je voulais des soins organiques et sur mesure et des protocoles uniques. Comme dans les métiers d’art, il y un temps à consacrer pour atteindre l’excellence. » En sus des deux salons dédiés à la cliente, l’adresse historique accueille la Hair Gallery où se trouve l’atelier. « On y prépare nos collections et on y fabrique nos produits à la main. On peut aussi y découvrir mes archives, soit trente ans de carrière. »

Les nouvelles générations font aussi partie des priorités de Marisol. « Les jeunes veulent vivre différemment. À nous de les accueillir et de les aider à trouver leur place ou à prendre leur envol. » Avant d’ajouter : « J’ai des collaborateurs impliqués et courageux, qui me connaissent par coeur. Avec mes qualités et mes défauts. » Ses défauts ? « Je suis impatiente. Cela les fatigue et les exalte en même temps. C’est Frida Kahlo qui disait : “Tout est changement, tout est mouvement.” »

@studio_marisol

LES DATES DE SA VIE

1990 Assistante de Jean-Marc Maniatis
1995 Arrivée chez Toni & Guy à Londres
2001 Création pour l’exposition Le Cheveu se décode à la Villette
2012 Premier salon Marisol Paris, place des Vosges, et création de la Slow Hair Therapy
2020 et 2021 Ouvertures des salons Palais Royal et rue de Varenne