Refiscalisation des heures supplémentaires, auto-entreprenariat probablement plus lourdement taxé au début de 2013… Les mesures du nouveau gouvernement vont faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, mais elles risquent de précipiter le retour du travail dissimulé, dans la coiffure notamment.
En résumé
Depuis 1985, le travail dissimulé est considéré comme un délit. Les sanctions encourues pour l’employeur indélicat peuvent aller de la simple amende à l’emprisonnement. Dans la coiffure, près de 4,2 % des salariés ont recours au travail « au black ».
Patrons méfiants
La refiscalisation des heures supplémentaires pourrait provoquer un retour des vieilles pratiques de paiement sous le manteau pour les heures en plus effectuées par les salariés. « C’est classique, commente Anne Delannoy, directrice générale adjointe de la FNC, soit on ne fait plus d’heures supplémentaires car elles coûtent trop cher, soit on ne les déclare pas. » Mais les petits arrangements de paiement de la main à la main n’ont qu’un temps. « En cas de difficultés relationnelles avec son salarié, explique Anne Delannoy, ce dernier peut engager une action devant le conseil des prud’hommes, demander le paiement de ses heures supplémentaires. S’ajoute le rappel de paiement des cotisations sociales. Sans oublier que le dossier est alors transmis au procureur de la République pour travail dissimulé. » Il est également très simple pour l’Urssaf de dénicher les infractions : « À part jouer à l’Inspecteur Gadget, affirme Michèle Duval, secrétaire générale du CNEC, nous ne pouvons pas trop agir contre le travail illégal. En revanche, l’État doit assurer les contrôles. Il suffit de comparer les factures clients et les commandes de produits, les factures d’eau, etc. »
Salariés fragilisés
« Le système de l’auto-entrepreneur a dans certains cas permis d’officialiser un travail au noir, notamment dans la coiffure, le problème est que l’auto-entrepreneur a une activité limitée à un chiffre d’affaires de 32 000 euros. Si je dépasse cette limite, est-ce que je le déclare ?», s’interroge Michèle Duval. La possibilité de passer sous silence une partie de son activité rémunérée était donc déjà en germes dans le statut de l’auto-entrepreneur. « Ce n’est pas très intelligent, déclare Anne Delannoy, car vous n’avez plus de protection sociale, vous ne cotisez plus pour votre retraite. »
Les alternatives
Vous aimez l’autonomie et le fait d’être votre propre patron, votre business plan tient la route, alors lancez-vous ! De même, pour compenser les augmentations de charges sociales, « les coiffeurs indépendants feraient mieux d’augmenter leurs prix, conseille Anne Delannoy, car les tarifs de la coiffure à domicile sont vraiment trop bas par rapport au service rendu. »
Convention collective
Un petit détail… qui n’en est pas un. Très prochainement, dans la convention collective du secteur, un avenant concernant l’outillage devrait ainsi faire son apparition. Cet avenant stipule que « dans le cadre du contrat de travail, l’employeur met à disposition du salarié le matériel nécessaire à la prestation de travail. L’outillage […] est conservé au sein du salon en dehors des heures de service du salarié ». Conséquence directe de cet avenant, s’il veut effectuer des coupes « en douce », le salarié devra acheter lui-même son matériel. Un investissement coûteux qui freinera les velléités de travail dissimulé.
Zoé Lindos
L’avis de Bruno Glémain / L’invité de la rédac’ :
Le fisc aurait dû décerner des médailles aux franchiseurs ! En poussant leurs franchisés à ouvrir un 2e, un 3e…, un 10e salon, ils les ont rendus plus propres qu’avec les contrôles fiscaux ! Car pour ouvrir un 2e salon, il faut investir avec de l’argent « propre », des salariés, de l’informatique… La « bidouille » ou travail au noir est alors impossible. La vraie question c’est : comment peuvent vivre les petits salons à 8 ou 10 euros la coupe sans en faire ?