Des peintures rupestres découvertes par des archéologues ont montré que les hommes se coupaient ou se rasaient les cheveux il y a plus de 25 000 ans. De l’homme préhistorique aiguisant son silex, pour faire la barbe de son voisin de caverne, au coiffeur star déroulant son show dans les plus grands salons du monde avec tempête de flashs, le métier de coiffeur a bien évolué devenant d’ailleurs le 2e secteur de l’artisanat en France.
Sur les 160 000 salariés que compte le secteur, nous avons donc sondé, au sortir du bac à shampooing, un certain nombre d’entre vous qui pratiquez le métier, et le pratiquez bien, depuis plus ou moins longtemps. Radiographie des porteurs de ciseaux…
Corentin Priou est coiffeur à Ancenis, entre Angers et Nantes. Il fait partie des rares hommes (25 287 en tout pour 133 888 femmes en 2009) qui sont dans la profession. À l’Isec, école de coiffure parisienne, les garçons sont une petite dizaine tout juste. La tendance augmenterait toutefois de promotions en promotions. Mais les filles dans le métier sont largement devant. Corentin a trouvé un poste dans un salon assez facilement.
Pour certains élèves, la coiffure conserve un aspect de « valeur refuge ». « Dans un contexte où le travail peut sembler bouché, le fait que le métier soit concret, qu’il n’y ait pas d’obligation de se délocaliser, que ce soit une branche où il y a du travail, tout cela ajoute une motivation supplémentaire, et rassure toujours les parents, notamment chez les plus de 18 ans, note Catherine Glémain, directrice de l’Isec. Les coiffeurs sont des gens ancrés dans le présent, dans l’action. Ils sont très souples et les opportunités que leur présente la filière, création mais aussi management, leur plaisent également. »
Corentin a signé son contrat à tout juste 20 ans. Cet âge pourrait étonner dans d’autres professions… En coiffure, il n’est pourtant pas rare de confier sa tête et son look à des postados. La profession est ainsi assez jeune puisque 42 % des salariés ont entre 15 et 29 ans. Certains sont donc trop jeunes pour avoir le permis ! Normal, le métier de coiffeur est un métier de jeune !
Rester debout toute la journée, courir d’une cliente à l’autre, être créatif… Tout cela demande de l’énergie. Les coiffeurs plus expérimentés redoutent d’ailleurs que cette nouvelle génération ne puisse pas suivre. « Pour moi, les jeunes sont plus des sprinteurs que des marathoniens : ils veulent avancer plus vite que la musique ! », souligne Bruno Barbeyrol, coiffeur d’expérience.
Fait commun à beaucoup d’entre vous, le virus des ciseaux vous a pris assez tôt. Pour Corentin, c’était à 14 ans, et depuis il n’en démord pas. Pour Pierrick, déjà propriétaire d’un salon à Poitiers, la vocation a sonné un peu plus tard, mais elle a été définitive. Au diable le diplôme de musicien, tout pour la coiffure.
« La coiffure n’a pas été une évidence depuis tout petit comme certains, mais aujourd’hui, après six ans dans le métier, je ne cesse de me demander pourquoi je n’ai pas commencé plus tôt », déclare-t-il.
Si Pierrick a passé son diplôme en candidat libre, ils sont une majorité à suivre le cursus habituel de l’apprentissage jusqu’au BEP. 75 % des dirigeants ont ainsi le brevet. L’Isec, école de coiffure parisienne qui prépare au CAP et au BP, a même ouvert un cursus spécialisé, le CQP manager de salons de coiffure, destiné à ceux qui souhaitent évoluer dans leurs parcours professionnels ou qui ont pour projet de reprendre ou de créer un salon de coiffure.
« À l’image de la société actuelle, les coiffeurs sont de plus en plus experts, face à une consommatrice de plus en plus aguerrie. Les niveaux des formations augmentent : aujourd’hui, nous n’avons pratiquement que des coiffeurs qui ont le BP [Brevet professionnel] qui sont à la tête de salons. La barre est donc plus haut pour les managers qui doivent avoir les clés pour analyser leur situation dans un marché qui reste, malgré tout, concurrentiel. La nouvelle génération en veut et elle se donne les moyens de réaliser ses ambitions », expose Catherine Glémain directrice de l’école.
Dans son établissement, une sélection s’opère pour que la structure n’accueille que 45 élèves. Obligation pour les aspirants au CAP de faire un stage de découverte préalable d’une semaine pour confirmer leur vocation.
« C’est par des stages que j’ai validé mon envie de devenir coiffeur, explique Corentin, même si au début les tâches n’étaient pas très amusantes… C’est quand j’ai eu accès au bac à shampooing et commencé à toucher les cheveux que j’ai vraiment senti que j’étais fait pour ce métier. »
Certains jettent l’éponge après ce stage, les autres passent par un entretien de motivation, révélateur des envies et des aspirations de ces futurs professionnels. « Certains jeunes sont motivés par les paillettes. Forcément, nous sommes dans une société de plus en plus médiatisée, et ils voient bien que certains coiffeurs ont presque des statuts de stars. S’ils sont attirés par cet aspect, ils ont conscience que le métier, ce n’est pas que cela. »
Yannick Kraemer, à la tête de 90 salons dans le monde entier, met en garde la jeune génération contre des envies pas forcément réalisables. « Dans ce métier, beaucoup rêvent de studio, mais c’est un leurre, raconte-t-il. Cela ne représente qu’un pour cent ! Je sais bien que quand on démarre à 16 ans, on a des envies débordantes et il faut garder cette étincelle ! Mais le métier de coiffeur se pratique en salon. » Phénomène similaire à ce qui se passe dans la restauration : si la majorité des jeunes recrues sont des filles, les plus motivés par les rêves de gloire sont les garçons.
« Les filles sont peut-être plus dans la relation à l’autre, cet aspect-là du métier ne va pas les séduire, analyse Catherine Glémain. Les garçons ont peut-être un besoin d’image, un statut qu’ils veulent satisfaire… Ils sont également peut-être plus dans un rapport de séduction. Mais même s’ils sont attirés par la célébrité, les grands shows, ou qu’ils ont des tas de grands noms en référence, ils sont avant tout fiers de leur métier. »
Dans ses salons, Yannick Kraemer recrute « des jeunes qui n’ont pas choisi ce métier par dépit », mais se désole également du fait qu’on ne donne plus aussi facilement leur chance à des débutants. « Ils sont recrutés très jeunes afin que leur coût d’apprentissage soit le moins élevé possible. Mais on ne donne pas leur chance à des diamants bruts, plus âgés. Il est impossible que toutes ces personnes trouvent du travail en raison de la réglementation. »
Pointé également du doigt par Bruno Barbeyrol : le manque d’espace laissé à la création. « Je ne suis pas sûr que les jeunes puissent s’exprimer. Il y a du talent, mais le système est trop conventionné, basique, pour vraiment les laisser exploser. »
Corentin a beau n’avoir que 20 ans, il a déjà remarqué que certains salons existent pour la rentabilité, alors que d’autres sont davantage dans l’amour de la création. Entre les deux, il a fait son choix, ce ne seront pas les coupes à la chaîne !
« Les envies sont là, revient Bruno Barbeyrol, mais leur formation est tellement rapide… Ils n’ont pas suffisamment de temps, on ne les consolide pas assez dans leur progression. Et ils peuvent manquer de rigueur et de discipline pour durer dans le temps. »
Charge à chacun de se faire, de se construire au gré des rencontres. Des bonnes rencontres… Car, que vous soyez à Paris ou dans le petit salon unique d’une ville de province, il y a un fait sur lequel vous vous retrouvez : l’amour du métier et le goût de transmettre.
« C’est un métier qui me permet de rencontrer beaucoup de gens, explique Corentin Priou. Des passionnés qui adorent discuter du métier, échanger et apprendre aux jeunes cequ’ils ont eux-mêmes appris par le passé… » De l’homme des cavernes au coiffeur des stars backstage !