Coiffeurs Justes, l’association créée par Thierry Gras, une démarche vertueuse pour préserver l’environnement

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Coiffeur depuis trente ans, Thierry Gras a travaillé à Paris, Toulouse, Cavaillon, puis à Saint-Zacharie, un petit village dans le Var où il exerce encore aujourd’hui. Passionné par son métier, il est néanmoins conscient de l’impact de ce dernier sur la planète. Engagé et responsable, Thierry crée en 2015 l’association Coiffeurs Justes pour mettre en place le recyclage du cheveu et participer ainsi à la préservation de l’environnement en même temps qu’à la valorisation de la matière. Rencontre avec un coiffeur motivé…

 

 

 

Quelles ont été les prémices de l’aventure Coiffeurs Justes ?

Après avoir exercé à Paris et dans d’autres grandes villes, le fait d’être désormais dans un petit salon à Saint-Zacharie m’a permis de développer différents concepts, dont le Haircarver, un kit pour se lancer dans la coiffure tribale, il y a quelques années. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré M. et Mme Chabert, du groupe Jacques Seban. Je suis alors devenu ambassadeur pour la marque. Il y a cinq ans, j’ai créé une licence de marque du nom de « Hairdresser Fair », donc « Coiffeur juste », dans laquelle je prônais l’égalité des tarifs homme/femme en coiffure, et le recyclage des cheveux. Je pensais à l’époque que quelqu’un s’occupait déjà de recycler le cheveu, cela me paraissait évident. Quand j’ai mis cette licence en place, j’ai eu la surprise de découvrir que personne n’avait pensé à développer ce concept.

 

Vous avez donc décidé de vous en occuper ?

Oui ! En 2015, j’ai créé l’association Coiffeurs Justes, pour répondre, au départ, à ma propre demande rires ! Jacques Seban m’a beaucoup aidé dans son développement. La marque a cru au projet alors que je passais un peu pour un « fada » comme on dit chez nous ! Pour tout dire, cette idée me trottait dans la tête depuis trente ans. Quand j’ai commencé dans la coiffure, je voyais passer des sacs de cheveux à jeter et je me demandais pourquoi on ne faisait rien de toute cette matière. Il est vrai que, quand les Américains ont découvert des montagnes de cheveux dans les camps de concentration, on en a banni toute utilisation dans l’industrie. Mais n’oublions pas qu’avant la Seconde Guerre mondiale, le cheveu était couramment utilisé dans l’industrie, afin de fabriquer des feutres pour chapeaux, des vêtements… Alors, un beau jour, j’ai pris le taureau par les cornes ! Ainsi est né le concept Coiffeurs Justes.

 

 

Comment avez-vous fait connaître votre association ?

J’ai répondu à une interview filmée, il y a quelques mois, au salon de la coiffure de Marseille, organisé par Olivier Sittoni. Elle a été vue 13 000 ou 14 000 fois, je crois. Et tout est parti de là ! Après, de nombreuses chaînes de télévision se sont intéressées à mon projet et en ont beaucoup parlé, les politiques ont suivi, et depuis je suis très sollicité. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons prendre conscience de l’impact de nos actions sur notre territoire. Agir et le faire savoir. Coiffeurs Justes permet à tous les acteurs du monde de la coiffure de s’inscrire dans une démarche de développement durable respectueuse de l’environnement et de son territoire.

 

Concrètement, comment cela se passe-t-il pour les coiffeurs qui sont intéressés ?

Vous pouvez adhérer à Coiffeurs justes. Pour cela, il vous suffit d’appartenir au milieu de la coiffure, à une entreprise, ou à une institution, voulant soutenir les actions de l’association. Nous vous faisons alors parvenir un autocollant pour signaler votre adhésion à l’association Coiffeurs Justes, ainsi que votre reçu pour la défiscalisation. L’adhésion est de 25 euros et le sac coûte 1 euro. Certaines marques, dont Dessange, commencent à nous acheter des sacs pour les distribuer à leurs partenaires. Ainsi, à terme, l’objectif est que les sacs soient gratuits pour les coiffeurs. Les dons, à partir de 25 euros, donnent droit à une défiscalisation. Quant au sac, il permet de collecter de 220 à 230 chutes de cheveux, c’est ce que récolte un coiffeur par mois en moyenne. Avec la loi RSE [Responsabilité sociale des entreprises] de 2020, nous serons obligés de traiter nos déchets nous-mêmes. On pourra défiscaliser 0,05 centime du litre de déchets à déduire de notre taxe d’ordures ménagères, ce qui représente 40 litres par mois par coiffeur.

 

 

Comment réagissent les coiffeurs ? Sont-ils sensibles à votre démarche ?

C’est fantastique ! Les coiffeurs ont immédiatement soutenu l’idée de récupérer cette matière riche de possibilités de recyclage. L’association est très suivie ! Coiffeurs Justes a une vingtaine d’adhérents supplémentaires tous les jours. Dès que l’on publie une photo, elle est vue entre 1 000 et 2 000 fois. Nous avons dû recalibrer notre site Internet car nous avons plus de 3 000 connexions tous les jours. C’est exponentiel… J’ai demandé aux personnes qui ont reçu les premiers sacs de faire des photos originales. Les coiffeurs ont fait des selfies amusants, décalés, et du coup on a fait le buzz ! Ils sont aussi sensibles au fait que nos sacs soient respectueux de l’environnement. Ils sont en papier écologique, les encres et la colle sont écologiques aussi.

 

 

Que fait-on de toute cette matière récupérée ?

Nous fabriquons des filtres. Il nous faut dix tonnes de cheveux pour en lancer la première production. Pour l’instant, nous en avons récupéré cinq, mais nous en recevons des cheveux tous les jours. Ensuite, l’association achètera une machine, et un Esat [Établissement et service d’aide par le travail] fabriquera les filtres, soit avec une machine à tisser pour en faire des carrés de 40/40 sur 2 centimètres d’épaisseur, soit en boudin, en remplissant de cheveux des collants de femmes. Ces filtres seront alors utilisés pour absorber le pétrole, les huiles solaires qui polluent les océans. Le cheveu sert aussi à dépolluer les eaux d’écoulement des routes, des zones industrielles, des autoroutes… Et il est réutilisable ! Après avoir servi plusieurs fois de filtre à hydrocarbure, on le lave et on peut le récupérer ! Il sera alors utilisé comme renforçateur de béton ! Ainsi, il n’est pas jeté dans la nature. C’est la seule matière au monde qui ne coûte rien à la fabrication et ne pollue jamais !

 

Avez-vous trouvé des appuis autour de vous ?

Pour l’instant, je suis seul. Heureusement mes employés m’aident beaucoup, ma fille aussi !

C’est devenu une mission pour moi, d’autant que je suis contacté par l’Europe entière. Et même l’Uruguay m’a contacté récemment ! Cela a dépassé mes attentes, mais j’ai toujours été un grand rêveur et je voulais y croire ! Je suis en contact avec Brune Poirson [secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire] qui m’a fait savoir qu’il est encourageant de voir une association comme Coiffeurs Justes, « engagée dans recyclage et la valorisation des déchets, qui s’inscrit dans la continuité de la loi antigaspillage pour une économie circulaire ». Alors, au niveau politique, oui, ça commence vraiment à bouger. Dans la coiffure, hormis les adhérents bien sûr, absolument pas ! On m’a proposé de me vendre des espaces publicitaires, ça ne va pas au-delà ! Aucune aide de ce côté ! C’est la raison pour laquelle je demande aux coiffeurs d’en parler autour d’eux, de faire le buzz ! Plus nous serons nombreux, plus il sera facile de veiller à préserver à notre façon l’environnement.

 

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