Des élastiques qui sautent, des clientes et des clients angoissés, des difficultés à envisager la morphologie d’un visage… Le port du masque entraîne son lot de déconvenues. Un petit bilan après près de quatre mois masqués.
Coupe de cheveux et masque… Quand nous avons fait notre appel à témoignages sur les réseaux, on ne peut pas dire que nous avons reçu moult propositions. Et pour cause ! Comme pour tout commerçant, le masque est un frein en salon. Comment vendre le sourire masqué ? Certains coiffeurs ont reconnu avoir des difficultés à parler sur le sujet tant le masque semble faire du tort à la profession. D’autres, avec du recul, nous ont raconté l’obstacle que peut représenter cet objet protecteur controversé à l’heure où il s’impose peu à peu dans toutes les strates de notre vie sociale. Mais comment pratiquer son métier de visagiste quand la cliente arrive la moitié du visage dissimulée ?
Sandrine Ruiz a trouvé une parade pour pouvoir analyser la géométrie d’un visage. « J’essaie d’imaginer, tic-tac, tic-tac, puis je donne ma langue au chat ! » ironise-t-elle avant de reconnaître : « Je lui demande d’enlever le masque deux minutes ou alors on fait un visiocall en amont. » Idem pour Tom Uzan, fondateur du salon haut de gamme Le Barbier des Voyeurs. « Une fois le client installé, s’il souhaite ensuite garder le masque pendant la prestation, nous lui demandons toutefois de l’ôter le temps d’analyser la morphologie de son visage, en nous tenant à un mètre cinquante de distance. Cela nous permet de faire notre travail de visagiste. »
Jeremy Lemoine, à la tête du salon J.L Hair, abonde dans ce sens. « C’est plus facile évidemment avec les clientes que nous connaissons déjà, nous connaissons leur morphologie. En revanche, quand c’est une nouvelle venue, je lui demande dans un premier temps d’ôter le masque afin de pouvoir étudier sa morphologie avant de me lancer dans une coupe. » Mais techniquement, n’est-ce pas trop compliqué de soigner un tour d’oreille avec des élastiques pour obstacle ? Tous s’accordent à dire qu’au départ, les liens ont sauté sous les coups de ciseaux. « Nous avons pris l’habitude de faire tenir les élastiques avec un peigne à l’arrière de la tête en bas de la nuque » poursuit Jérémy Lemoine.
Les aléas de la vie masquée
Pour Jérémy Cannarozzo de Beauty Zen à Paris, les élastiques à crochets permettent d’accrocher le masque dans la nuque pour libérer les oreilles et d’éviter qu’il ne saute ! Rached Ellouze, ancien footballeur en Tunisie et barbier de père en fils, prend plus de temps et déplace les élastiques à la main pour passer tondeuse ou ciseaux. D’autres, comme Loïc Magliano, patron et gérant du salon L’âme en couleur à Donneville en Occitanie, a bien cru couper une oreille à la reprise d’activité masquée ! « Arrivé au contour de l’oreille, j’ai senti les ciseaux pincer plus fort que sur une mèche de cheveux. J’ai pris peur et je me suis excusé auprès de ma cliente. Par chance, ce n’était pas son oreille mais l’élastique du masque ! » Autres aléas de la vie masquée ? Les habitudes de la vie d’avant sont tenaces ! « Souvent, je souffle sur les cheveux de la nuque. Sauf que l’air me revient dans la figure… J’oublie que je suis moi-même masqué ! » plaisante-t-il.
Et si le client veut enlever le masque pendant la coupe ? Rached Ellouze a un conseil : toujours avoir du papier hygiénique à portée de main sur la table de travail afin de déposer le masque du client et éviter toute contamination. Si au contraire, votre client veut le garder, respectez sa volonté ! « Quand tout le monde est serein, l’ambiance est meilleure dans le salon », poursuit notre ancien sportif de haut niveau.
Et d’un point de vue esthétique, comment choisir son masque pour qu’il s’accorde au mieux à sa coupe ou sa couleur ? Jérémy Lemoine conseille : « Privilégier un masque en tissu coloré pour la touche d’originalité, moins austère que le masque chirurgical, qui mettra plus en valeur la coupe ou la couleur. À l’heure actuelle, avec la profusion de propositions, il est facile d’assortir son masque à sa tenue ou sa coloration. »
Et pour ces messieurs ?
Les barbus n’ont pas tous renoncé aux poils (contrairement à ce que leur recommandait en mars le médecin Patrick Pelloux sur un plateau de télévision), rassurez-vous ! Certains ont demandé au couturier de leur quartier de leur confectionner un masque « sur-mesure » qui engloberait leur superbe toison. Profitez d’ailleurs du port du masque pour grossir la note en vendant des produits d’entretien. « Il est nécessaire d’hydrater davantage la barbe, qui souffre de la pression du masque et de l’humidité. Je conseille aussi à mes clients d’avoir toujours un peigne ou une brosse à barbe sur eux pour la discipliner quand ils peuvent enfin se débarrasser du masque », poursuit Rached Ellouze.
Comme nous le disions en amont, le port du masque semble être une entrave à la pratique du métier de coiffeur. Toutefois, malgré un assouplissement de certains gestes barrières en salon, il reste obligatoire. Il faut dire qu’une étude publiée par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États-Unis a prouvé son efficacité contre la transmission. Dans un salon du Missouri, où deux employés étaient contaminés par le coronavirus, aucun client n’a été malade par la suite. L’explication ? 98 % des clients portaient un masque (47 % en tissu, 46 % des masques chirurgicaux et 5 % des masques de type N95).
Mais lequel porter ? Tom Uzan hésite. « Le masque chirurgical a un principal avantage, celui de rassurer le client, car il est jetable. Il certifie que les consignes sont bien respectées. Mais un masque en tissu lavable permet d’installer l’image de marque d’une entreprise. » À vous de voir, donc ! Côté clients, le chef d’entreprise, qui porte là aussi la responsabilité de ses collaborateurs, préfère offrir un masque chirurgical à ses clients qui en portent un en tissu. « On ne peut pas savoir si ce dernier le lave correctement… »