C’est l’un des sujets du moment : les cheveux texturés qui, selon la grille d’André Walker, englobent les cheveux frisés, bouclés, ondulés et crêpus. En cause : le fait qu’ils ne fassent par partie de l’apprentissage classique de la coiffure. Avec la tendance au naturel qui s’impose depuis plusieurs années, de plus en plus de femmes refusent désormais de les lisser. Le problème ? Dans les salons, les coiffeurs, qui ne savent pas comment traiter ce type de cheveux secs, refusent parfois les clientes… quand ils ne font pas des dégâts, créant un traumatisme auprès de cette clientèle. Toutes deux concernées personnellement, Rehma Grace et Ghana Elin dénoncent ce manque du cursus classique. Chacune à sa manière.
Si des formateurs indépendants proposent désormais leurs stages autour des cheveux texturés – cheveux frisés, bouclés, ondulés et crêpus – comme par exemple Curly Hair Cut la formation de Miss Mag (voir notre article ici ) -, Rehma Grace et Ghana Elin s’accordent à dire qu’ils devraient faire partie du programme dans les écoles. « Quand j’ai passé mon CAP, j’ai tout appris du cheveu caucasien mais rien de l’afro. Cela reste une spécialisation et ça me dérange ! On est obligés d’aller voir à l’étranger ou auprès d’un prestataire indépendant pour se former. Si j’en parle en tant qu’afro, cela passe pour de contestation ou de la victimisation. Mais c’est bien au-delà ! Je veux pouvoir entrer dans un salon sans me poser de question. Un coiffeur doit savoir s’occuper de TOUS les cheveux. Biologiquement un cheveu est un cheveu qu’il soit caucasien ou afro. Alors pourquoi serais-je traitée différemment ? » souligne la première. Même idée pour Ghana Elin, bientôt 27 ans.
Après des études de droits, elle choisit de se reconvertir dans la coiffure. « Je me suis dit que j’allais passer le barreau et avoir un certain pouvoir d’achat, sans pouvoir aller me faire coiffer dans un beau salon. J’ai donc eu envie de combler ce manque. Je me suis dit : « arrêtons d’attendre que les marques viennent nous sauver. Faisons ! » » Pari tenu pour notre entrepreneuse. En 2020, elle fonde une marque de cosmétiques professionnels, Les Ateliers Crêpus puis un an plus tard, son académie de formation. Toutefois, comme Rehma, elle déplore qu’ils restent les grands absents du programme de CAP et BP.
« Il y a 12 millions d’afros en France. Quand on sait que ces femmes dépensent trois fois plus en soin que les autres, c’est incompréhensible ! D’autant plus dans un monde qui se mélange et se métisse toujours d’avantage… On ne peut pas être un coiffeur accompli si on n’a jamais coiffé des cheveux crépus. Mais attention : cela ne doit pas être une spécificité comme une technique de coloration ou de coupe. Coiffer un cheveu afro n’est pas une spécialité car il s’agit d’un type de cheveux à part entière. Il ne devrait pas y avoir des salons pour les cheveux afros et des salons pour les autres. Un coiffeur doit maitriser toutes les textures ! » précise celle dont l’agenda est bien chargé tant la demande de formation est forte.
Et pour cause ! « J’enseigne quelques jours par an auprès des CAP et des BP dans les écoles Silvya Terrade. Les élèves sont conquis et en redemandent. Les professeurs m’attendent avec impatience. Ils ne veulent plus être désemparés devant un cheveu crépu. Accueillir comme il se doit cette partie de la population est un joli levier de développement pour un salon. Les nouvelles générations ont un pouvoir d’achat plus élevé que leurs mères. Elles sont pharmacienne, ingénieure, étudiante dans la culture…. Elles ne veulent pas aller à Barbès à Paris ou La Guillotière à Lyon mais dans un salon classique avec un professionnel qui comprend leurs cheveux. Etre dans les meilleures conditions, avec une tasse de thé, sans être pétrifiée ni traumatisée.. »
Mais comment expliquent elles alors cette marginalisation de la part des institutions ?
« Il y a des apriori sur les cheveux crépus. On s’imagine que c’est très difficile à coiffer. Je propose une formation Rituel Signature en 3 heures. Ce n’est pas long ! La coiffure est un milieu un peu conservateur. Certains ont peur de voir arriver des clientes noires dans leur salon » note Ghana. Toutefois, ne nous méprenons pas ! Ni Rehma ni Ghana ne parle de racisme. « C’est d’avantage une maladresse d’ordre culturel. Forme-t-on aux cheveux fins spécifiquement ? Non. Cela devrait être pareil pour les cheveux texturés. Il y a un manque d’inclusion et de représentativité… Regardez les couvertures du magazine Vogue depuis des décennies. Ce sont des femmes qui répondent aux mêmes codes avec des critères très européens. Les femmes s’imaginent que si elles ne répondent pas à ces critères, elles ne sont pas belles. Cela peut paraitre futile mais accepter son image c’est très important pour la santé mentale » poursuit Rehma qui a fondé l’association Ma beauté J’aime J’accepte.
Pour valoriser le cheveu texturé et rappeler aux femmes que chacune peut être belle à sa manière ! « Je peux m’occuper de TOUS les cheveux. A la suite de mon CAP, je me suis formée auprès de coiffeurs à l’international » souligne-t-elle. Elle dénonce aussi les désastres qui se jouent en backstage des défilés. « Les coiffeurs sont inexpérimentés en matière de cheveux texturés. Alors quand ils ont un mannequin avec des cheveux crépus, ils font des dégâts. Ces modèles n’osent rien dire de peur de ne pas être bookés la fois suivante… c’est un cercle vicieux » soulève celle qui œuvre pour le Fashion Week Studio et qui espère aussi créer sa propre formation. L’une de ses volontés premières ? « J’ai rencontré des mamans d’enfant métisse. Quand elles envoient leur fille dans un salon, on leur dit « la prochaine fois, tu diras à ta maman de te démêler les cheveux avant ». Je ne peux pas accepter qu’une jeune fille de 12 ans grandisse avec l’idée qu’il y a un problème avec ses cheveux ! C’est pour cela que j’espère ouvrir un salon d’implication. Il y a une fin sociale dans tout ce que j’entreprends. Cela prévaut sur tout ! »
Mais comment envisagent-elles l’avenir ?
« Cela avance très doucement du côté des institutions. J’ai confiance en les coiffeurs. Ce sont des passionnés d’artisanat et d’artistique. Ils ont soif d’apprendre et de découvrir toujours de nouvelles choses » nous confie Rehma. Boostée par l’incubateur féminin WILLA, visant de faire grandir son entreprise à l’international sur le marché africain puis américain, Ghana Elin est plus optimiste. « Quand je vois ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux avec des influenceuses qui cartonnent, l’essor des marques dédiées, l’engouement des coiffeurs pour mes formations… je me dis que les choses évoluent dans le bon sens ! D’autant plus que les femmes acceptent de plus en plus leurs cheveux au naturel » conclut celle qui a développé sa propre méthode, mêlant les techniques qu’elle a appris auprès de coiffeurs experts, les gestes que lui a enseignés sa grand-mère en Guadeloupe et des techniques ancestrales venues d’Afrique ou des Caraïbes comme le démêlage à la main.
Pour en savoir plus sur les Ateliers Crêpus (académie et produits) rendez-vous ici
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Crédit photo :
Réalisation : Équipe de Création HCF
Directeur Artistique : Christophe Gaillet
Photographe : Maciej swistek
Vidéaste : Grzegorz Gross I Unique Agency
Stylisme : Katarzyna Jablonska – Remerciements à Vitkac
Make-up : Martyna Molenda
Production : MK Production
Partenaires : L’Oréal Professionnel I Revlon Professional
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