Juniors, seniors, coloristes, coupeurs, barbiers, coiffeurs studio, patrons, managers… Nos ambassadeurs représentent un joli pêle-mêle des acteurs de la coiffure. C’est pour cela que nous avons voulu les interroger sur des sujets divers et variés, chers à la profession. Aujourd’hui, Victor Landemaine, coiffeur-manager du salon Maison Gabriel à Bordeaux et Anthony Mairesse, à la tête des salons éponymes à Dieppe, répondent à nos questions sur une thématique qui préoccupe et parfois agace les patrons, les attentes des nouvelles générations dans leur travail.


Dans leur relation au travail, les nouvelles générations n’ont plus les mêmes priorités. Pouvez-vous nous dire ce que les jeunes recherchent ?
Victor : « J’ai 24 ans, je suis passionné, et je me considère comme un coiffeur à l’ancienne. Je ne compte pas mes heures. Mais quand je parle avec des personnes de mon âge ou lors d’entretien, je comprends que les nouvelles générations veulent préserver l’équilibre entre vie pro et vie privée. J’ai des copines qui font 35h pour 1 800 euros et cela leur convient très bien ! Il leur faut un certain confort de vie et le travail est un moyen pour avoir un salaire et s’offrir ce cadre de vie. Les jeunes ne sont pas là par passion. Ils veulent leur mercredi et leur samedi pour profiter des enfants, finir à 17 h le soir. Enfin, ils veulent tout, tout de suite, sans passer par les tâches ménagères par exemple. Ils veulent savoir faire du balayage dès leur arrivée.
Anthony : Ce qu’ils veulent vraiment ? C’est le plus difficile à déceler. Nous sommes dans un conflit de générations. Notre génération trouvait normal de ne pas manger pour travailler. Eux respectent strictement leurs horaires et leur bien-être. Ne pas travailler pour profiter de leur famille. Ils ne veulent pas passer à côté de l’essentiel. Ils veulent aussi être formés et reconnus. On a vraiment du mal à se comprendre… Pour nous, la reconnaissance, c’est du long terme. Ça se mérite et c’est beaucoup de travail. Eux, veulent tout de suite, des responsabilités, des like sur les réseaux sociaux…
Vous avez des jeunes dans vos équipes. Comment arrivez-vous à gérer cela ?
Anthony : Pendant un temps, je ne voulais plus de jeunes ni d’apprentis. Pour passer à côté des premiers chagrins d’amour et des « trop la flemme ». Ceux qui sortaient le soir et ne venaient pas le matin. Finalement, avec les difficultés de recrutement, j’en suis revenu. Et je me rends compte que les réseaux sociaux les ont boostés ! Grâce à des tutos, certains jeunes de 17 ans se sont beaucoup entraînés et coupent déjà super bien. Ils veulent être fiers de leur travail.
Victor : Pour garder un jeune, je pense qu’il faut le stimuler sans cesse. Lui proposer toujours de nouvelles choses. Il ne doit pas avoir l’impression de stagner. Une formation tous les six mois. Il faut les élever vers le haut. Pour motiver ses équipes, il faut les challenger sans cesse. Pour être motivés, ils doivent sentir qu’ils peuvent évoluer. Et ils sont prêts à accepter un salaire moindre, à condition d’être formés régulièrement.
Quels conseils donneriez-vous aux patrons ?
Anthony : Il est vrai que l’on marche un peu sur des œufs, comme avec nos ados à la maison. Dans nos salons, on leur confie, par exemple, la gestion de notre compte TikTok. Cela leur permet de faire les vidéos qu’ils souhaitent et ils sont supercréatifs. C’est une manière de valoriser ses collaborateurs. Pour une bonne ambiance, on essaie, autant que possible, de faire les plannings tous ensemble. Quand on peut arranger quelqu’un, on le fait ! Mais ils n’ont pas forcément la réflexion de se dire que l’entreprise doit tourner. Quand on leur dit non, ils le prennent mal. C’est pour cela que je suis le plus transparent possible et même sur les chiffres, les coûts de l’entreprise et les objectifs pour être bénéficiaire. Toutefois, je pense qu’il faut vraiment faire du cas par cas pour les impliquer, via des entretiens individuels. Le but est de savoir ce qu’ils aiment faire. Quand on fait ce que l’on aime, on le fait bien.
Victor : Il y a confrontation entre les patrons à l’ancienne et les jeunes générations. Ils ne se comprennent pas. Je conseille aux patrons et managers de se former sur la communication dans la bienveillance, savoir comment s’adresser à telle ou telle personne. Les jeunes se braquent facilement. Il y a une manière de leur parler et pour cela, il faut être formé en management. Il ne faut pas être trop direct, être davantage dans l’empathie et la sincérité. Les patrons n’ont pas la méthode pour s’adresser aux jeunes. S’ils ne sont pas contents, ils partent !
Avec la pénurie de candidats, le pouvoir a changé de camp ?
Victor : Oui, je pense. D’autant plus que les patrons peuvent désormais venir nous débaucher sur les réseaux sociaux. S’ils ne sont pas satisfaits à 100 %, les jeunes partent. Ils cherchent le meilleur patron, le meilleur salaire, le salon qui le forme le plus.
Anthony : Je ne voulais plus travailler avec des jeunes puis la pénurie m’a poussé à y revenir. Et je suis agréablement surpris. Je pense que ce sera une très belle génération de professionnels. Mais qu’ils ne feront pas forcément le même métier toute leur vie. Une fois le succès acquis, ils passent à autre chose. Ils sont passionnés, ils font les choses à fond puis ils passent à autre chose. Le propre de la société de consommation.
Pour conclure…
Victor : Il y a un travail à faire des deux côtés. Il ne faut pas mettre toute la faute sur les employés. Il y a vraiment des pépites qui se trouvent confrontées à des managers qui n’ont pas de formations pour communiquer. Ils se retrouvent à gérer cette nouvelle génération de coiffeurs avec un management « trop vieux », trop direct et trop rigide. Ce n’est pas leur faute. Ils ne sont pas formés pour cela. Il leur manque de la stratégie pour faire évoluer les collaborateurs.
Anthony : Pas question pour moi de devenir le vieux crouton qui ne comprend rien. Il faut savoir se remettre en question. Qui a raison ? Qui a tort ? Est-ce nous qui faisions passer le travail avant notre bien-être ? Ou eux qui font passer leur bien-être avant tout ? Je réfléchis beaucoup et j’essaie de faire des concessions ! »