À chaque nouveau réveillon, c’est pareil. Tout le monde s’embrasse sous le gui et se souhaite un tas de bonnes choses, à commencer par une excellente santé. Et si ce voeu était à réserver tout particulièrement aux coiffeurs ?
Allergies cutanées, eczéma, affections, respiratoires, troubles musculo-squelettiques, coupures, brûlures, asthme, stress… Certes, un salon est moins dangereux qu’un chantier
ou une usine, mais derrière le glamour de la profession, les coiffeurs ont un métier physiquement contraignant et ils sont tout particulièrement exposés à une multitude de risques.
« Le nombre de maladies professionnelles est en augmentation depuis 2006, note Isabelle Roy, directrice du département développement économique et qualité de la Fédération nationale de la coiffure (FNC). De 2009 à 2010, ces dernières ont cru de 6 %. »
Produits de teinture, de défrisage, de permanente, de décoloration, shampooings… Une fois au salon, les clients sont souvent pris dans les effluves entêtants des produits capillaires. Si l’odeur se dissipe une fois leur coupe réalisée, les coiffeurs, eux, baignent dedans toute la journée.
Certains des produits qu’ils manipulent contiennent des substances irritantes ou allergisantes, susceptibles de pénétrer dans l’organisme par inhalation ou par contact avec
la peau. Et de provoquer des affections cutanées, comme l’eczéma, ou respiratoires (asthme, rhinite…).
Les effets à long terme de ces substances chimiques ne sont pas connus : en 1993, le CIRC avait classé l’exposition professionnelle dans les activités « probablement cancérogènes ».
Le poids des TMS
Mais ce à quoi les coiffeurs sont les plus exposés, ce sont les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces pathologies se traduisent de diverses façons : épaules ou coudes douloureux, maux de dos, syndrome du canal carpien. Muscles, tendons, nerfs et colonne vertébrale
sont affectés du fait de la répétition des gestes faits par les coiffeurs et des postures de travail pénibles qu’ils adoptent : tête penchée, sèche-cheveux qui pèse sur le bras, coude en l’air…
« Le taux d’allergies est relativement stable. Ces dernières années, les TMS ont explosés : sur l’ensemble des maladies professionnelles déclarées, ils représentent près de 80 % des pathologies qui affectent les coiffeurs », expose Isabelle Roy de la FNC. Le corolaire de cette explosion des TMS ?
L’augmentation de journées de travail perdures. Pour l’ensemble de la profession en 2010, environ 103 000 journées ont manqué à l’appel. De nombreuses carrières sont ainsi stoppées par ces affections invalidantes. Qui pèsent également sur les salons… « C’est un vrai drame pour un salon lorsqu’un des collaborateurs est déclaré inapte, explique Isabelle Roy. En période de crise, cela peut-être mortel pour un gérant. »
Objectif pédagogie
Des gestes simples et peu coûteux sont faciles à mettre en place. À commencer par le port des gants pour éviter toute pénétration de produits ; l’organisation du travail pour éviter les pics de fréquentation et les cadences infernales pour les coiffeurs.
Nettoyage à l’humide pour réduire les poussières, ciseaux plus adaptés, sèchecheveux moins lourds et moins bruyants, tabourets de coupe… Objectif pédagogie donc, pour sensibiliser aux risques et mieux les prévenir, mais également apprendre les bons gestes dès le départ.
De nombreuses campagnes de sensibilisation ont été lancées par divers organismes du monde de la coiffure. À côté de l’abondante information disponible sur ces troubles, la FNC et le CNEC se sont engagés dans des formations pour guider les chefs d’entreprise dans leur démarche de prévention, et mettre en place de bonnes pratiques au regard de chaque risque potentiel.
« Notre Fédération a animé partout en France en 2011 plus de 20 journées sur ce thème rassemblant plus de 300 chefs d’entreprises ayant au total un peu moins de 1 000 salariés, expose Isabelle Roy. Nous agissons également auprès des jeunes en apprentissage, notamment à travers le dispositif Synergie qui établit un partenariat entre académies, établissements d’enseignements, entreprises employeurs, Carsat et fédérations de la coiffure. Mais il reste encore beaucoup de pédagogie et de sensibilisation à mettre en place : aucun professionnel n’a appris à faire des shampooings avec des gants ! »
Prévenir et guérir
Si les problèmes de santé liés à la profession sont le lot de tout coiffeur, ils ne sont pas non plus une fatalité. Il est possible de prévenir les pathologies ou de les soulager effi cacement lorsqu’elles sont déjà présentes. Des gestes simples du quotidien aux formations de sensibilisation, les solutions pour éviter les problèmes de santé liés à l’activité professionnelle existent.
Pour les troubles musculo-squelettiques, la prévention se fait dès l’apprentissage et tout au long de l’ascension professionnelle. Cette pathologie omniprésente dans la profession peut poser de véritables problèmes de gestion d’un salon. Il convient donc de prendre cela très au sérieux et de rester vigilant.
À commencer par un cadre et des conditions de travail optimales. « L’aménagement du temps de travail est important. Il faut prévoir une polyvalence et une rotation des postes dans le salon », rappellent les Institutions de la coiffure, très engagées en matière de prévention de la santé des coiffeurs.
Être attentif à la façon dont les employés travaillent a aussi toute son importance, comme le rappelle le coiffeur bordelais Mickaël David. « Je reste toujours attentif à la posture de mes employés et je leur rappelle régulièrement les positions à éviter. »
Du socialement durable, en somme. D’autres acteurs de la santé comme les kinés ou les masseurs proposent des stages pour soigner les maux de dos, mal du siècle qui n’épargne pas les coiffeurs.
Cindarella : la prévention côté fournisseurs
Parce que le bien-être des coiffeurs ne dépend pas uniquement d’eux, le fabricant de mobilier pour salon de coiffure Cindarella conçoit de plus en plus de produits mêlant ergonomie et confort. Depuis 2008 notamment, Cindarella commercialise la première ligne de bacs à shampooing – Cocoon Nude, Cube et Ball – pensée pour lutter contre les troubles musculo-squelettiques des coiffeurs.
Conçue en partenariat avec l’agence Design Pool, cette ligne, grâce à la cuvette fi xée sur une colonne électrique qui monte ou descend, permet au coiffeur de ne pas avoir à se pencher ou à trop tendre les bars.
« Le bien-être au travail et le développement durable d’une manière générale sont au centre de notre philosophie, détaille Anne-Sophie Blanc, chef de projet marketing. Il est possible d’agir en amont pour prévenir certains troubles dont sont atteints les coiffeurs. Nous avons réalisé que la problématique des douleurs articulaires et musculaires est quotidienne pour eux. »
Si les Carsat et Cram peuvent subventionner l’achat de mobilier permettant d’améliorer les conditions de travail, un de ces nouveaux bacs, selon les options choisies, coûte entre 4 000 et 5 000 euros. Mais malgré leurs prix, ils se vendent bien : 200 ont été achetés l’an dernier. « Nos produits sont haut de gamme et représentent un investissement : les TMS sont les principales causes d’arrêts de travail dans la coiffure », détaille Anne-Sophie Blanc.
Si, pour l’instant, la conception d’un fauteuil de coupe ergonomique reste en suspens, Cindarella s’attaque aux autres troubles que peuvent rencontrer les coiffeurs.
« Un coiffeur inhale plus d’un million de litres d’air par an, pollué par des composés volatils organiques dont nous ne connaissons pas les conséquences à long terme sur la santé des coiffeurs, poursuit Anne-Sophie Blanc. C’est pourquoi nous commercialisons le purifi cateur d’air Bio Air. »
Ce dernier filtre et élimine les bactéries, germes et gaz toxiques présents dans l’air. « Nous sommes les seuls sur ce marché, déplore cependant Anne-Sophie Blanc. Ce serait bien pour le secteur de la coiffure que nous soyons un peu plus suivis : il y a bien souvent beaucoup d’innovation pour le confort du client, mais peu pour celui des coiffeurs. »
Combattre le mal de dos
Il est souvent considéré comme le mal du siècle ! 80 % des Français sont ou seront touchés par un mal de dos, et pour 10 % d’entre eux, c’est même invalidant. Le métier de coiffeur est bien entendu une profession particulièrement touchée, et si les douleurs lombaires et dorsales ne sont pas comptabilisées en tant que maladies professionnelles mais en accident du travail, elles ne sont pas pour autant à négliger.
Une enquête auprès des coiffeurs de la région Côte-d’Or montre qu’elles représentent la majorité des douleurs ressenties : lombalgies pour 47 %, cervicalgies et dorsalgies pour 37 %.
Une excellente manière de prévenir ces maux invalidants est de porter une attention toute particulière à l’environnement et à l’organisation de travail : siège client sans réglage en hauteur, tabouret de coupe usagé, sèche-cheveux trop lourd, ciseaux émoussés, bac de lavage trop bas, etc. Tous ces outils de travail inadaptés sont des facteurs aggravants, favorisant l’apparition de maux de dos et, globalement, de TMS.
Les gestes répétitifs quotidiens, leur variété et leur alternance sont aussi des causes d’apparition de maux de dos récurrents. Dos cambré, tête penchée, coude levé, bras tendu, poignet tordu, etc. Le corps est sollicité toute la sainte journée ! Pourtant, « l’observation des pratiques professionnelles des coiffeurs a démontré que la maîtrise du métier et la confi ance en soi étaient de bonnes protections contre l’apparition de TMS », indiquent les Institutions de la coiffure.
Ainsi, on peut parler de diversité de postures et d’assurance dans les gestes comme moyen de se prévenir des maux de dos et autres TMS. Fiabilité et relâchement pour la satisfaction d’un travail bien fait, dans les meilleures conditions ! D’où une attention toute particulière à apporter à la formation continue de tous ses employés.
Le Régime social des indépendants (RSI) s’investit
Né en 2006 de la fusion des organismes de protection sociale des chefs d’entreprise indépendants, la RSI gère la protection sociale de quelque 5,6 millions d’indépendants et de leurs ayants droit. En 2010, elle a mis en place un programme pilote de prévention des risques professionnels dans les régions Picardie et Pays-de-la-Loire en partenariat avec les médecins traitants, « un programme en cours d’évaluation et prochainement déployé au niveau national », affirme Victoria Topenot, responsable de la communication à la RSI.
Une initiative qui fait des émules à l’échelle locale, notamment en Champagne- Ardenne, en Franche-Comté et tout récemment en Corse. À Ajaccio, les 20 salons que compte la ville ont été visités par différents intervenants qui travaillent avec la RSI pour des séances d’observation, nécessaires à un état des lieux « socio-sanitaire » : comment travaillent les employés, quels sont leurs gestes, leur quotidien, quel est leur mode de fonctionnement, quel est leur environnement de travail…
« Notre rôle est de repérer les attitudes prohibées, de les répertorier dans un premier temps afin d’établir une classification à la fin de notre mission, puis de communiquer avec les professionnels. D’où notre présence insitu », explique Cédric Bastelica, responsable gestion du risque et prévention du RSI.
Au terme de ces différents audits, toutes les observations recueillies sur le terrain donneront lieu à un rapport détaillé, agrémenté de résultats chiffrés, qui permettra de mieux cerner les besoins et les outils de prévention à mettre à disposition des coiffeurs. Le document sera diffusé par le biais d’un support papier, plaquette d’informations, et d’une clé USB.
Une politique de prévention active et impliquée donc. Victoria Topenot rappelle aussi que des dépliants : Prévention des risques professionnels coiffeurs, et une brochure : Coiffeurs, des gestes simples pour vous protéger, sont également mis à la disposition des assurés dans les caisses RSI et téléchargeables www.rsi.fr.