Quand nous avons partagé, sur Facebook, la collection « Pop Girls » by Franck Gérard, nous n’avions pas pensé que cette publication pourrait effrayer ou heurter certains de nos lecteurs. En effet, les commentaires ne se sont pas fait attendre ! « Cela sonne peut-être aussi la fin des esprits créatifs … ! » souligne David Katchadourian, suivi par David Baehr qui poursuit : « et des photographes, des maquilleurs, des modèles … »
L’IA sonne-t-elle le glas de la créativité ?
C’est aussi ce que pense Julien Tur en commentant à son tour : « mais oui l’IA dans beaucoup de domaines c’est le début de la fin… » Bref, des noms qui comptent, connus et reconnus, semblent inquiets. Et chez Biblond, cela nous interpelle. Parmi les commentateurs, Pascal Latil semble plus modéré. « A l’international, il y a un vrai mouvement de contestation, particulièrement chez les graphistes, les illustrateurs ou les dessinateurs, au Canada et des Etats-Unis. Pour m’y être intéressé dès le début, les IA comme elles sont utilisées pour le moment, dans 99 % des cas, n’ont rien de créatif… Elles peuvent assister l’Homme dans son travail créatif. » nuance-t-il avant de rappeler, toutefois, que nous nous servons tous les jours de l’IA. « Par exemple, pour détourer ou changer de fond, elle me permet de gagner beaucoup de temps ! »
Mais à l’heure où OpenAI va dévoiler GPT-4, une nouvelle version de son IA, qui permettra notamment de traiter aussi des vidéos, se veut-il rassurant ?
Rappelons tout de même que la rédaction de Wired Magazine a reconnu utiliser des IA génératives comme ChatGPT pour écrire des articles, mettant au passage des journalistes sur la touche. « Certes cela peut être inquiétant. Mais l’IA utilisée à bon escient peut être une aide précieuse » souligne Pascal Latil en insistant sur le fait que l’IA doit assister l’homme et non l’inverse. Ce qui est plus inquiétant selon notre photographe, c’est l’IA qui touche les créateurs – photographes, illustrateurs, dessinateurs, peintres… « Elle pioche dans ce qu’il existe sur le Web. Par exemple, si je lui demande un ananas à la manière de Gauguin, elle va me le sortir. Cela soulève un problème de droits d’auteur et de consentement des artistes originaux » précise-t-il. Face aux réactions, des lois émergent. « Désormais, les IA sont limitées dans la recherche. Avant, on pouvait se servir dans le style d’un artiste ou d’un photographe. Désormais, certaines n’ont plus accès à tout. »
Pascal Latil préfère tourner cela à la dérision. « Moi aussi j’ai fait ma petite « collection coiffure » entre le café et ma douche ce matin (véridique en 1h le temps d’apprendre le fonctionnement de l’iA et sans chercher à améliorer plus que ça les résultats, la preuve y a des poissons moches et véner) » postait-il, le 5 mars, sur Facebook, images à l’appui « créées par une IA avec très peu d’aide de sa (ma) part ».
Pour cela, il a utilisé la plus connue, Midjourney. « Avec un abonnement à 8 euros, tu as un prompt, tu tapes un texte et tu obtiens tes images. Tu peux même partir d’un simple émoji ! » poursuit-il. « C’est complétement aléatoire, tu peux essayer autant de fois que tu veux… » Impressionnant, certes, mais Pascal Latil insiste sur le fait qu’on ne peut parler de création ou de créativité dans ce cas. « Même un enfant de 4 ans peut le faire ! » Pour lui, ce genre de programme peut être utilisé pour créer une moodboard, comme une base de travail. « Et il faut savoir que quand c’est utilisé pour une image, cela doit être précisé que cela a été réalisé par l’IA comme on doit préciser qu’il y a eu utilisation de Photoshop sur une image. »
Au fil de ses recherches, le photographe a affuté son regard d’expert. « Désormais, je repère immédiatement les images qui sont créées avec l’aide de l’IA. Finalement, elles se ressemblent toutes. Comme l’utilisation d’œuvres d’artistes est interdite, l’IA fait un peu toujours la même chose. »
Le danger ? « Ce sont les imposteurs, finalement. C’est pour cela qu’il y a urgence à réglementer tout ça. L’IA fait scandale parce que le chef d’entreprise n’a plus besoin de personne pour créer une image. Même une stagiaire de troisième peut créer le logo de l’année grâce à ces programmes… »
Autre inquiétude ?
« Les gens ont d’un coup l’impression d’être des artistes, cela flatte les égos ! Tu n’as rien à faire, tu cliques et tu as un résultat sublime. Cela a un côté très satisfaisant comme un morceau de sotch qui s’enlève parfaitement » plaisante-t-il. Là encore, Pascal se veut rassurant. « Finalement, avec les réglementations, je pense que ça va avoir l’effet contraire. Les artistes vont revenir sur le devant de la scène, plus que jamais. A force de voir les mêmes images, on cherchera l’originalité, la créativité, l’identité. »