À seulement 41 ans, Antonia Piemontese affiche un parcours exemplaire, coiffeuse dans différents salons puis cheffe d’entreprise. En vingt-six ans de carrière, elle a vu la profession évoluer au gré de ses expériences et de ses rencontres avec les plus grands. Pour Biblond, elle décrypte les grandes mutations et propose aussi des solutions concrètes afin de faire face aux différentes problématiques que rencontre la profession.
Comment a-t-elle commencé la coiffure ? « Je ne savais pas vers quelle branche m’orienter. Je suis allée chez un coiffeur à Annemasse qui travaillait avec Tigi et j’ai eu une révélation en découvrant la coiffure créative, la méthode du piquetage inversé. Je devais avoir 14 ans et ma mère me prédestinait à l’hôtellerie. Je me suis entichée de la coiffure et j’ai fait un premier stage, en 3e, chez cette coiffeuse qui m’avait épatée. Cela a confirmé mon choix et je me suis lancée dans un apprentissage en alternance avec une école à Genève », se souvient Antonia.
Engagée sur la route du salariat, elle découvre le métier dans différents salons avant d’entreprendre son BP. Son parcours sera jalonné de rencontres avec des pointures et des grandes marques qui lui donneront envie d’excellence. « Il y a donc eu Tigi, puis des salons Maurice Melone, Toni & Guy, Stéphane Amaru pour son coaching… Avec eux, j’ai retrouvé mes premières amours du métier. Je suis de près ceux qui font bouger les lignes. Sassoon mais aussi le Tribute Show. Et le Mondial de la Coiffure pour rester informée et inspirée ! »
BP en poche, elle ouvre d’abord une onglerie, L’instant Précieux. « J’avais suivi ce diplôme en parallèle de la coiffure. Et c’était le début de l’ongle américain. Un marché en plein essor. Je l’ai fait évoluer en salon de coiffure-onglerie en 2004. Mon entreprise tournait bien mais j’ai du fermer six ans plus tard. J’avais des soucis de santé et j’ai dû me reposer. Puis j’ai repris un autre salon, À la Parisienne à Montauban. » Récemment, elle a été contrainte, pour la deuxième fois de sa vie, de vendre son entreprise. Une décision prise à contrecœur, pour cette passionnée. « Je souffre de la maladie de Basedow et les médecins m’ont conseillé d’arrêter. Gérer une entreprise en parallèle aux traitements et aux opérations, c’est mission impossible. »
Mise de côté par la maladie, elle n’est pas pour autant « hors jeu » ! Antonia Piemontese a des solutions à proposer pour accompagner les patrons et les coiffeurs dans la souffrance. « La maladie peut toucher tout le monde. Je pense aussi aux coiffeuses mamans qui doivent déserter le salon quand leur enfant est souffrant. Cela créé de l’instabilité dans une entreprise. C’est pour cela que j’aimerais qu’il existe une plate-forme d’entraide sous forme d’application payante par exemple qui connecterait les coiffeurs et les salons d’une ville ou d’un quartier. L’idée est d’unir les gens pour trouver des solutions d’aide et de solidarité. Quand un patron est malade, son concurrent pourrait proposer de venir le remplacer. Pourquoi devrait-on être dans une guerre commerciale ? L’entrepreneur ne peut se mettre en arrêt maladie. Alors pourquoi ne pas créer une sorte de réseau de solidarité ? Quand un salarié ou un patron est en difficultés, d’autres coiffeurs pourraient venir porter secours dans le salon. Cette aide ponctuelle serait bien sûr accompagnée d’un contrat rémunéré », souligne la coiffeuse, avant de préciser qu’elle n’aurait peut-être pas vendu son salon si quelqu’un avait pu l’épauler pendant ses soucis de santé. « Vendre une entreprise parce que vous manquez d’aide, c’est dommage ! »
Outre le sujet tabou de la santé au travail, Antonia Piemontese nous dévoile sa vision de l’évolution du métier. « On est passé de l’époque du patron au coach puis au mentor. Dans le passé, le patron donnait des ordres et le salarié exécutait. Aujourd’hui, on parle de leadership. Le patron doit être exemplaire pour que le salarié l’accompagne. Je me suis formée auprès de Stéphane Amaru pour mieux cerner cette évolution. Il était d’ailleurs présent à l’inauguration de mon salon À la Parisienne à Montauban. »
Comment envisage-t-elle l’avenir ? « Je veux être utile à ma manière, servir mon métier, m’engager auprès de causes qui me tiennent à cœur, la coiffure, la maladie, le cancer. Je suis prête à m’investir, à devenir un porte-parole, à servir la bonne cause », clame celle qui s’adonne aussi à la sculpture ou la musique. « La culture est l’essence d’un épanouissement personnel. La littérature, l’art, le théâtre… »
Et l’avenir du salon de coiffure, comment l’imagine-t-elle ? « Nous avons vécu aussi de grandes évolutions scientifiques ces dernières années avec des marques axées sur le made in France ou le végétal. Pour ma part, je pense que l’avenir appartiendra soit aux salons en chimie responsable et raisonnée qui travailleront avec des marques comme Redken, soit aux salons de coiffure bio avec des concepts type herboristes. Il est important de rappeler que les perturbateurs endocriniens ont un impact fort sur la santé. Le changement passe par soi-même donc à chacun d’œuvrer dans le bon sens », précise-t-elle.
Et quel est son point de vue sur les problématiques rencontrées par le secteur aujourd’hui ? Antonia évoque en vrac plusieurs solutions. « Il faut revoir le système scolaire et l’apprentissage. Pour moi il est fondamental par exemple de repasser le CAP sur trois ans et refondre le BP. Trop de jeunes coiffeurs n’ont pas les compétences et le niveau nécessaire pour soulager les patrons. Enfin, il y a urgence à revaloriser ce métier d’artisanat. Et accompagner aussi les coiffeuses maman qui rencontrent des problématiques de garde d’enfant en élevant les salaires par exemple ! » conclut-elle.