Je me souviens, lorsque j’ai choisi la coiffure, certaines moqueries de mes copains étudiants… Échec scolaire, paraît il…
Mais je me souviens aussi de nos vacances tous ensemble au camping, où j’avais installé ma table en Formica avec panneau « 50 francs la coupe » et la petite fille d’attente de clients potentiels qui se formait sous leurs yeux ébahis… J’ai vite compris, du haut de mes 17 ans, le potentiel de ce métier
trop souvent sous-estimé et j’ai décidé d’en tirer le meilleur. Il ne m’a jamais déçu, parce que pratiqué avec passion, c’est juste un métier génial !
Alors pourquoi nos apprentis sont-il si souvent décevants, et pourquoi l’apprentissage de ce métier les déçoit-il si vite ? C’est le constat de tous mes confrères… La crise, ce n’est pas le manque de clients, mais le manque de salariés qualifiés. C’est une vraie pénurie dans le métier et pourtant nombreux sont les coiffeurs sur les listes du chômage. Alors que les salariés sont plus que jamais les vrais clients de nos entreprises, ils font fortement défaut, ou sont rarement fiables, définitivement en manque de repère, de passion et de rêves…
Alors la faute à quoi, et à qui ?
La formation coiffure est souvent plus un lot de consolation qu’un vrai choix d’avenir. Une filière où l’on finit, plus qu’une que l’on choisit !
On arrive à 16 ans (beaucoup trop tôt) en apprentissage dans une école, où tout est déjà si limité, si générique. Pas de place à la créativité, à l’ambition. Un enseignement de vieilles méthodes, décalées de la réalité ; pas d’accès à l’information, à l’histoire ou à l’actualité des grands de ce métier. On s’acharne à former aux anciennes techniques du métier et on en oublie la culture. On insiste sur un vieux « savoir-faire » et l’on oublie l’indispensable « savoir-être ». On déclare qu’il ne faut pas trop rêver… que l’on est un artisan, alors qu’à 16 ans on rêve d’être un artiste !
L’arrivée des apprentis dans les salons déçoit souvent les recruteurs. Le niveau et le mental ne sont pas là. Et le désir de transmettre non plus. L’image de notre métier s’en ressent fortement. L’enseignement
de notre métier est à revoir dans son intégralité. Notre fédération doit se réveiller et réagir, se réinventer, renouveler son contenu technique, encourager le développement personnel de ces étudiants, réadapter ses diplômes devenus obsolètes (pourquoi ne pas en créer d’autres avec des
niveaux d’études générales plus élevés ?), afin d’éveiller des vocations et permettre à des élèves d’atteindre des niveaux d’excellence.
Qui décide et revoie les programmes ? Qui sont les intervenants de nos écoles de coiffure ? Sont-ils proches de la réalité de notre métier ? Font-ils rêver leurs élèves et en ont-ils les moyens ? Ce métier est artisanal certes, mais bien loin des autres spécialités de ce domaine. Il est en partie technique, mais demande une expertise bien plus large. Un coiffeur doit pouvoir se mettre en phase avec tous les milieux sociaux et culturels, faire preuve de psychologie, rester toujours au top des nouvelles techniques, avoir un regard averti sur les tendances… Si son instinct de réussite le lui permet, il peut aussi devenir chef d’entreprise, expert en formation, en management, en marketing, en développement… Il peut devenir un créateur, un artiste reconnu et se hisser à un niveau de réussite et de satisfaction insoupçonnable, bien loin des bancs de l’ANPE…
Stéphane Amaru