Nous sommes égaux… mais pas forcément quand il s’agit des cheveux et des coiffeurs ! Une prestation homme a-t-elle moins de valeur que celle d’une femme ?
Quand on se penche sur le cas des hommes, le prix pratiqué est deux fois en dessous du raisonnable, car le prix du Smic horaire, lui, est identique pour les hommes et les femmes ! Cette tendance à faire payer la coupe homme moins cher que celle de la femme existe pourtant depuis des lustres. Mais estelle encore d’actualité ?
Au début du XIXe siècle, le nombre de salons hommes était de 90 % contre 10 % de salons pour femmes. Les hommes, à cette époque, fréquentaient chaque semaine le barbier pour tailler ou raser leur barbe et devaient entretenir les côtés de leur visage ainsi que leur nuque toutes les deux semaines, car il n’existait qu’une mode. Longueur des cheveux, rapidité d’exécution de la coupe et fréquence des visites sont autant de facteurs qui poussaient à minorer la tarification des prestations masculines.
Un virage raté
Dans les années 1960, les barbiers n’ont pas su prendre le virage des cheveux longs et leur déclin a commencé. Aujourd’hui, ils ne représentent que 7 % du marché contre 93 % de coiffeurs mixtes. Seulement voilà, en 2014 la plupart des coiffeurs facturent autour de 19,80 euros la prestation shampooing, coupe, séchage. Or, comme je l’indiquais dans mes derniers articles, le Smic horaire actuel (qui lui est bien mixte !) ne permet pas de facturer la prestation moins d’un euro la minute pour assurer le salaire minimum mensuel. En ces termes, les coiffeurs ne s’accorderaient aujourd’hui que 20 minutes pour leur prestation globale ? Accueillir, conseiller, shampouiner, couper, coiffer, vendre un produit, encaisser et dire au revoir… Et il faudrait passer 3 clients par heure, 24 par jour ! Autant dire que beaucoup ne s’en sortiraient pas ! La solution serait de pratiquer le même prix que pour une prestation femme !
Tous à la même enseigne !
Aujourd’hui, il existe deux salons qui facturent des prix égaux pour homme et femme. Tout d’abord Toni&Guy (dont j’ai implanté la marque en 1999), où nous avons aligné les prix hommes et femmes dès 2001. Didact est le second où nous avons démarré avec ce principe d’égalité des prix.
Les hommes ont les moyens d’investir pour l’entretien de leur coupe. C’est une idée préconçue de penser qu’ils ne s’en soucient pas.
Pour exemple, un jour, un homme presque chauve se présente au salon. Parmi tous les prix proposés, il choisit la coupe à 160 euros. C’est donc moi qu’il choisit. Il me demande alors une coupe plutôt évidente : un parfait fondu de nuque et des côtés bien courts. Je prends mon temps (il m’indique qu’il dispose d’une heure) et je sympathise avec lui. Il revient chaque mois. Un jour, ayant probablement trop sympathisé, je lui dis que, pour ce qu’il me demande, un de mes collègues consultants (à 65 euros) lui ferait le même travail ! Je sens son corps se raidir et là, d’un ton sérieux, il me dit : « Tu sais pourquoi chaque mois je viens te voir ? Regarde bien ma nuque. Chaque fois que je sors de chez toi, je n’ai pas ce patch blanc [il me montre son os occipital]. Les autres me tondent pour 20 euros certes, mais je ne suis pas satisfait. Ici, je peux prendre le temps de discuter, apprécier le temps du shampooing et du massage, boire un café pendant ma coupe… J’ai tout ce qu’il faut et je n’irais pas prendre le risque d’avoir moins avec un de tes collègues. » Pour finir, il me dit : « Stéphane, il ne faut jamais se mettre à la place du porte-monnaie de ton client… »
L’acceptation du prix dépendra donc, chez chacun, plus de sa priorité d’achat que de ses moyens financiers…
Est-ce que j’exagère ?
Je pense que le prix doit être fixé en fonction du temps que l’on estime nécessaire pour une bonne prestation, de l’entrée du client à sa sortie ! Posez directement la question à votre client. De combien de temps dispose-t-il ? Il ne vous répondra jamais dix minutes, ni vingt d’ailleurs ! Mais plutôt au moins quarante-cinq minutes. Inconsciemment, il estime que c’est le timing acceptable pour la prestation… Devons-nous donc facturer comme hier en fonction de la longueur des cheveux ou plutôt du temps passé ? Faut-il croire comme hier que les cheveux longs prennent plus de temps à couper qu’un bon fondu de nuque ? Sommes-nous tout simplement habitués à voir un homme comme « un coup de tondeuse » ? Il n’est pas plus choquant aujourd’hui de facturer les deux prestations au même prix que de prendre l’homme pour la moitié d’une femme et d’accepter de travailler pour rien !