Laetitia Guenaou : Artiste de scène
Laetitia Guenaou a donné rendez-vous au bar d’un hôtel près de La Madeleine. Elle n’a pas de salon, et n’en souhaite pas. Cette nature farouchement indépendante ne veux pas être liée à une structure. Surtout, elle aime voyager, voir des horizons nouveaux, rencontrer des gens différents. Menue, cette coiffeuse originaire du Var semble avoir conservé un léger accent et surtout une volubilité naturelle. Depuis dix-huit ans, ambassadrice de L’Oréal, elle court le monde entier pour présenter les nouvelles collections. Corée, Japon, Côte d’Ivoire, Amérique latine, Russie… Elle est déjà passée par soixante-dix pays pour retransposer sur scène, sous forme de show, les deux collections annuelles de L’Oréal et enchaîner sur des master class. Elle revient de deux jours à Prague où elle était jury du Color Trophy.
Si le show est aujourd’hui sa passion, la jeune Varoise, arrivée à 20 ans à Paris, a eu un parcours éclectique mais sans faute. Coiffeuse dans un petit puis dans de grands salons, sur des plateaux de cinéma, pour la musique (la Lambada), elle est tombée dans le show au début des années 1990 (voir portrait mystère). À cette époque-là, elle n’imaginait même pas que les coiffeurs puissent se produire sur scène comme des vedettes de la chanson. Michel Gardet, d’Intercoiffure, lui a montré des vidéos de ses performances. Puis elle a débuté par une semaine de show au Brésil. « Tout d’un coup, votre création compte. Il n’y a plus le chanteur, la comédienne ou le réalisateur qui vous disent ce qu’il leur plaît ou pas. Vous êtes vraiment le chef d’orchestre. Là, c’est Laetitia elle-même qui va sur scène et on met à son service tout ce qu’il faut pour que ton histoire se réalise. » La coiffeuse avait enfin trouvé la pierre de touche de sa carrière.
Le premier show parisien auquel elle participe pour Intercoiffure est un triomphe. «J’avais décidé de faire une performance appelée L’envers du déclic, je coiffais dans une loge de prise de vue. Au premier rang se trouvaient les pontes de L’Oréal qui cherchaient des nouvelles têtes. Après mon show, Alexandre est venu en coulisses. Il m’a dit avoir beaucoup aimé mon travail. J’étais très émue. »
Ces dix-huit dernières années se sont écoulées comme dans un rêve. Avec la scène, son métier a pris une dimension artistique. Elle parle avec enthousiasme de l’ambiance de la Haute Coiffure dont elle fait partie depuis 2000. « La haute coiffure, c’est plutôt apprendre à s’oublier pour se fondre dans une équipe. Même avec beaucoup de talent, on ne peut jamais faire les choses tout seul dans la vie. Être membre d’une équipe amène une énergie propice à la création. » C’est aussi une histoire d’amitié. Pour le symposium des cent ans de L’Oréal le 8 juin, quatre des neuf coiffeurs de l’équipe de création de la haute coiffure française ont été choisi pour faire le fi nal au Zénith. Avec elle, il y a Laurent Decreton, Christophe Gayet et Eric Zemmour. « C’est un vrai plaisir de faire ce centenaire ensemble. On vient de passer deux jours enfermés chez L’Oréal pour écrire notre histoire, dispatcher le travail entre nous, faire nos achats pendant quatre heures. »
Laetitia aime aussi se retirer pour sentir vibrer son imaginaire et préparer ses collections. La coiffeuse star a son atelier chez elle, à une heure de Paris. « C’est la caverne d’Ali Baba. Je m’y sens bien, je fouille, je pars d’une idée, d’un vieux volume, et pfffouu ! je le retranspose dans un volume pour aujourd’hui. » Pour la collection sur le thème des jardins précieux, elle s’est immergée dans les matières, les tissus, les couleurs pour préparer sa tournée de six mois de show.
Son meilleur souvenir : lors du L’Oréal Forum Business (LBF), en octobre dernier, où se rendent deux mille coiffeurs du monde entier. « J’ai eu une standing ovation. Il s’est passé une alchimie sur scène. À la fi n, j’ai vu cette salle se lever et pleurer. Depuis que je fais de la scène je n’avais jamais ressenti ça. » Laetitia a presque pensé qu’elle aurait pu s’arrêter là, sur cette note si forte. Sans doute pas tout de suite… Elle tient encore trop à la scène, comme si elle entrait chaque fois dans un autre monde, une arène de beauté.